Entretien

 

Marc Ferro s'est méfié très tôt des films de montage, dont il a compris la vulnérabilité. Celle-ci, disait-il, tient au principe de sélection des images, à la nature de celles enregistrées autrefois et à la responsabilité du réalisateur. 

Avant de répondre aux questions suivantes, je voulais commenter cette remarque. Si on peut apprécier certaines facettes du travail de Marc Ferro, on peut aussi mettre en question les limites de sa pensée autour des liens entre cinéma et histoire. Ce n’est pas la place ici de critiquer son travail, mais personnellement, l’idée d’une l’Histoire constituées uniquement de grands récits et pouvant être interrogée à l’aide des grands chefs d’œuvre du cinéma me paraît d’un intérêt très limité et sert une idéologie de l’Histoire très contestable. Marc Ferro ne répond que très partiellement, et partiellement, à la question importante des liens entre images, mémoires et histoires.

On peut, et il a raison de le faire, mettre en critique la supposée objectivité de l’archive et les diverses étapes de la réalisation des films de montage. Mais définir les images comme vulnérables est une tautologie qui ne nous apprend rien. Quand à la responsabilité des réalisateurs, là encore, cette question se pose à l’ensemble de ceux qui produisent du discours, elle se pose aux historiens, aux intellectuels comme elle se pose aux réalisateurs. Il est aussi bête de se méfier par principe des films de montage parce qu’une partie d’entre seraient indigents que de se méfier des livres d’histoire en général parce que certains d’entre eux seraient mauvais ou contestables… Il me semble que sa critique du cinéma de montage sert surtout à justifier et mettre en avant sa propre pratique et ses propres usages du cinéma comme outil de savoir historique.

 

Je pense qu'il serait très intéressant que vous expliquiez à un public d'historiens l'importance du montage pour explorer les fondements de l'histoire. Et ce le plus concrètement possible.

Il est très difficile d’être concret quand on essaie de définir ce que sont les images, l’archive, le montage et leurs liens avec l’histoire et la mémoire. Mais je vais essayer…

 

Vos critères de sélection des images. Quelles images cherchiez-vous quand vous avez décidé de faire ce film qui réponde à votre préoccupation de ce qui déclenche le passage à la radicalisation, à la lutte armée 

Le début de mon intérêt pour la RAF commence par la découverte d’indices qui aiguisent ma curiosité dans le hasard de mes lectures. J’apprends notamment que plusieurs des fondateurs du groupe ont des liens avec le cinéma ou la télévision. Certains ont participé à la production de films, comme réalisateurs, techniciens ou acteurs. D’autres sont passés régulièrement sur les plateaux de télévision ou interviennent dans des films documentaires. Moi, qui me positionne comme un cinéaste politique, je ne pouvais qu’être curieux à propos de ces images. Est-ce que les films de ces futurs « terroristes » pouvaient me renseigner sur leur passage à l’acte ? Est-ce qu’ils me permettraient de comprendre des logiques ou d’éclairer leurs parcours ?

La RAF est un cas unique. Il n’existe aucun autre groupe de lutte armée qui a laissé autant de traces visuelles d’avant la fondation du groupe. Il me fallait donc les retrouver car ces images pouvaient, peut-être, me permettre de comprendre un peu mieux le passage à l’acte.

Au-delà, et contrairement à beaucoup de réalisateurs qui utilisent l’archive uniquement comme élément d’illustration à des discours historiques très classiques et toujours préétablis, je ne m’intéresse pas aux évènements historiques en eux-mêmes, je m’intéresse tout autant à ces éventements qu’à la manière dont ils ont été racontés, aux processus mémoriels, à l’écriture de l’histoire. À partir de là, toute image créée autour d’évènements précis peut m’intéresser, toute image peut me renseigner car toute image raconte quelque chose et peut être utilisée comme objet d’analyse.

Donc, même si je cherchais en priorité les images autour des fondateurs de la RAF ou les images produites aux moments des évènements importants de cette histoire, je n’ai jamais arrêté ma recherche à ces images uniquement. Cela exige un travail énorme, mais j’ai cherché à voir toutes les images fabriquées à l’époque autour de cette histoire.

De plus, en tant que cinéaste, je ne dois pas m’astreindre à une recherche trop exclusive, même si cela se fait au détriment d’une certaine rationalité de production. En effet, il faut laisser la porte ouverte à la possibilité de trouver des images qui, même sans être directement en lien avec l’histoire que l’on veut raconter, peuvent malgré tout nous renseigner sur cette histoire. Le savoir par les images ne provient pas uniquement du contenu narratif de celle-ci, mais aussi de leurs facultés poétiques et même de leur matérialité (le rythme, le cadrage, le son, etc.)

Le cinéma s’écrit avec de nombreux outils et pas uniquement ceux qui relève de la narration. Du coup, une telle recherche ne peut donc pas s’atteindre uniquement aux archives qui d’évidence devraient être utiles à la narration. Il faut aller bien au-delà.

 

En quoi ces images répondaient-elles à votre hypothèse et à votre recherche? Que révélaient-elles ? 

Cette question n’est pas simple à répondre car on ne fait jamais un film avec une unique hypothèse ! D’autant quand on fait des films avant tout pour réussir un tant soit peu à formuler des questions, et surtout pas à apporter des réponses que l’on sait par avance forcément partielles et subjectives.

En tout cas, pour prendre exemple sur les images réalisées par ou avec les fondateur de la RAF, aucune d’entre elles ne nous renseigne sur le passage à l’acte lui-même. Mais, elles nous renseignent étonnamment sur qui étaient ces fondateurs de la RAF, sur leurs parcours, sur leurs visions du monde et leurs positionnements politiques. Elles permettent aussi de voir se dessiner des logiques, de voir les changements qui s’opèrent en eux au fur et à mesure des années.

Aucune image ne peut répondre. Le savoir que l’on peut tirer d’une image est toujours diffus, volatile. Pour reprendre votre question, en effet, les images « révèlent » quelque chose mais il faut l’entendre dans le sens photographique. La révélation, c’est ce moment où une image apparaît sur la feuille blanche. Une révélation, c’est un processus. Ce n’est pas l’image fixée, c’est le processus qui amène à l’image fixée. Il y a de ça dans la manière dont les archives peuvent révéler quelque chose. On reste dans le temps d’un savoir éphémère. Souvent, justement, les réalisateurs de films d’archives essaient autant que faire se peut de ré-ancrer les archives, d’en extraire un savoir solidifié, de les astreindre à une lecture. Au contraire, j’essaye d’approcher les images tout autant pour le savoir concret qu’elles peuvent contenir que pour leur capacité à échapper.

Pour essayer d’être plus précis, pensons à un extrait d’émission télévisée dans lequel Ulrike Meinhof parle. On peut effectivement apprendre plusieurs choses très concrètes de registres très différents : Ulrike Meinhof est une femme brune qui parle en Allemand ; à telle date, elle participe à un débat télévisé auquel participe telle et telle personne ; elle parle de tel et tel sujet et exprime un point de vue très marxiste sur ce sujet… Mais on apprend aussi d’autres choses : il y a de la fragilité dans son regard lors d’un court moment de silence ou dans la façon dont elle recrache la fumée de sa cigarette ; il y a de la force dans la manière dont elle fait face à ses contradicteurs ; il y a de la conviction dans sa voix ; il y a aussi cette mise en scène de l’espace dans lequel elle est isolée face à un panel d’hommes plus âgés qu’elle… Les savoirs que l’on peut relever d’un tel extrait assez simple sont à la fois d’un ordre rationnel mais aussi de l’ordre de la sensation, de l’éphémère, de la subjectivité.

L’image a la singularité de donner à voir des corps et à entendre des voix. Ce peut paraître anecdotique mais c’est loin de l’être. En effet, cette femme, pour continuer sur Ulrike Meinhof que nous voyons s’exprimer, ne correspond absolument pas à l’image mentale que nous nous faisons spontanément quand nous pensons « terroriste », ni même quand nous lisons « Ulrike Meinhof, tête pensante de la RAF, ancienne journaliste… ». Ces images sont même en complète contradiction. Une des hypothèses formulées par le projet était justement de rendre visible les fondateurs de la RAF comme des êtres humains, censés, possédant une grande maîtrise du langage etc. Il m’était en effet indispensable de placer le spectateur face à ces images pour rendre évident que les perpétrateurs d’actes de violence sont toujours des humains tels que nous et que c’est justement ce qui nous pose ou devrait nous poser problème.

De plus, en travaillant par le montage un ensemble d’archives couvrant une période de douze ans, on peut faire apparaître et rendre visibles les modifications progressives de la manière dont les images, et principalement ici la télévision, permettent d’écrire l’histoire en cours. On voit clairement dans le film la manière dont la télévision va évoluer et comment elle est utilisée non seulement pour écrire le présent mais aussi pour opérer un mouvement d’amnésie et construire une mémoire fictive, ou tout au moins fortement biaisée, de l’histoire.

 

Comment les lit-on pour construire un objet de recherche ?

Là encore la question est difficile car on ne lit pas une image. Lire une image est une expression que l’on emploie souvent mais qui est malheureusement pas la plus juste. En effet, quelque chose des images échappera toujours, résistera toujours, à la mise en mot et au vocabulaire. Il n’y a pas de traduction possible de l’ensemble des éléments d’une image par le biais du langage parlé ou écrit. C’est ce qui rend d’ailleurs impossible toute tentative d’exhaustivité d’analyse d’une image. Il y a toujours quelque chose qui butte contre les mots dans une image. Il en est d’ailleurs de même pour le montage. Un simple raccord est presque impossible à décrire.

De là vient la difficulté du travail de cinéaste quand il utilise des images d’archives. Il faut à la fois travailler sur les savoirs factuels ou concrets qu’elles contiennent mais aussi sur ses savoirs volatiles et lacunaires propres aux images. Si on ne le fait, on se retrouve de nouveau devant un de ces films de télévision historique qui s’arrête à la leçon scolaire.

En tout cas, dans le travail de recherches lui-même, il faut opérer plusieurs mouvements. Déjà, pour repérer et trouver les archives, il faut passer par une phase de recherches historiennes assez classiques. Il faut recueillir le maximum d’informations (dates, sujets, réalisateur, production etc…) permettant d’affiner les recherches et d’identifier les archives (Ce qui était particulièrement essentiel dans ce projet précis : en Allemagne, les télévisions n’ont commencé à archiver leurs émissions qu’au milieu des années 70, les archives précédentes sont lacunaires et très souvent non répertoriées ou de manière vraiment parcellaires, les fonds de l’école de cinéma de Berlin à la Deutsch Kinemathek n’ont jamais été répertoriés…)

Ensuite, les archives que l’on trouve ne sont jamais très claires. Chaque émission, chaque film, chaque bout de rush inclut des éléments nouveaux et inconnus comme il présente des lacunes. Il faut donc à partir de chaque archive trouvée relancer des recherches pour comprendre dans tous ces détails les différents éléments contenus dans cette archive (Qui sont les protagonistes apparaissant dans l’archives ? Quelles sont leurs références quand ils parlent ? Quels sont les sous-entendus ? Qui a réalisé ce film et avec qui ? Etc.)

Grâce à ses nouvelles recherches, on trouve de nouveaux indices concernant d’autres archives visuelles que l’on n’avait pas encore repérées.... Et on recommence. En définitive, les archives visuelles ne peuvent devenir source de savoirs que quand elles s’accompagnent de recherches plus classiques. L’une ne peut aller sans l’autre si on veut essayer de comprendre dans toute leur complexité ces archives.

J’écris là évidemment uniquement sur la part de savoirs concrets que peuvent contenir les archives. La partie plus volatile du savoir ne peut se découvrir que par le travail du regard et par le travail du montage.

 

Comment les monte-t-on ? Comment avez-vous procédé ? Sont-ce les images trouvées non répertoriées qui ont dicté votre montage? Notamment les images produites par la génération de Baader, les images revendiquées par eux, les pratiques inventées par eux, leurs propres images et les images des médias et le dialogue, la confrontation que vous instaurez entre ces deux régimes d'images qui donne une clé à l'escalade la violence entre terroristes et médias/État

Je pense toujours le montage aux premiers temps du projet. Même si des variations peuvent apparaître lorsque l’on trouve les archives (certaines étaient inattendues, d’autres ne seront jamais retrouvées…) les hypothèses d’écriture du film sont restées dans leurs grandes lignes jusqu’à la fin de montage.

J’ai posé très rapidement le respect de la chronologie, l’utilisation d’extraits suffisamment longs pour donner une idée des sources elles-mêmes (ce qui était important car c’est un film sur l’histoire de la RAF tout autant que sur comment cette histoire a été racontée, il était donc important de respecter les origines des extraits utilisés – télévision, cinéma fictionnel, film d’agit-prop etc.), l’absence de voix off, l’utilisation d’extraits contemporains aux évènements sans matériel réalisé a posteriori des faits etc.

De même, j’avais dès le début du projet écrit une structure narrative qui laissait deux tiers du film aux fondateurs de la RAF qui s’y expriment à travers les images qu’ils nous ont laissé, un tiers du film aux réactions de leurs adversaires par le biais de la télévision, une conclusion (et une introduction) sur le cinéma et sa manière différente de raconter et questionner l’histoire en court.

Le montage d’un tel film ressemble un peu à un puzzle pour lequel on a trop de pièce et dont on ne possède pas d’image finale. La structure que j’ai posée en préambule est comme les bords du puzzle, ils délimitent un espace de travail. Ensuite il me fallait poser les pièces les plus importantes du film (que ce soit les images des fondateurs de la RAF, les news des évènements sanglants d’après 70, certains extraits qui m’étaient nécessaires même s’ils ne répondaient pas à une logique narrative évidente – comme l’extrait de Zabriskie Point…) À partir de là, le montage est avant tout un travail de liens entre ces pièces posées et un travail de contextualisation.

A la différence du spectateur qui découvre pour la première fois les extraits, je connais tout de ces images, j’en connais l’origine, je comprends chaque phrase qui est dite, je connais les protagonistes etc. Et je ne peux demander aux spectateurs d’en savoir autant. Il faut donc introduire ces extraits important pour moi par d’autres extraits utilisés uniquement pour cela.

 

Avez-vous été influencé par Chris Marker et son montage en champ/contrechamp du Fond de l'air est rouge ? Par Alexander Kluge, ses collages selon la tradition du film-essai et le rôle assigné au spectateur appelé à « combler par son imagination l'ouverture de liens, à faire lui-même la corrélation entre les images ». 

Pas du tout ! Je suis très imperméable au travail des autres cinéastes. En tout cas j’essais de m’en prémunir. Je trouve vital en tant que cinéaste d’éviter autant que faire ce peut de répéter sciemment les effets d’autres réalisateurs. On n’invente jamais rien, pour autant, il faut trouver sa propre singularité. Un film doit reste un lieu d’expression d’une subjectivité.

 

Je connaissais personnellement ces années  de l'histoire de la République et les films réalisés à cette époque : je reconnais donc Willy Brandt, Helmut Schmidt mais aussi Heinrich Böll, Harun Farocki, Alexander Kluge, le rôle de la DFFB, la grande école de cinéma de Berlin, le discours haineux de Franz Josef Strauss, la séquence fameuse de Fassbinder à poil dans l'Allemagne en automne, etc. J'ai donc, en tant que spectateur, le plaisir de la reconnaissance, de la réminiscence. Quid du spectateur profane, du spectateur ignorant (aucun mépris là-dedans) ? 

Si aujourd’hui, je suis en capacité d’écrire une thèse sur l’histoire de la RAF, ça n’a pas toujours été le cas ! Quand j’ai commencé mes recherches je ne connaissais strictement rien sur la RAF, ni sur l’Allemagne d’ailleurs. J’essais toujours de faire mes films pour celui que j’étais avant de faire des recherches. Je pourrais dire également que je vais des films pour les lycéens (qui évidemment ne peuvent pas tout savoir mais qui sont curieux). En tout cas, j’ai fait ce film en particulier pour le « spectateur ignorant » que j’étais il y a huit ans avant de commencer ce projet.

Par exemple, le film se conclut presque par l’extrait du court-métrage de Fassbinder réalisé pour L’Allemagne en automne. C’est un des premiers films que j’ai vu sur l’histoire de la RAF. Je l’avais trouvé magnifique, mais il m’était apparu totalement opaque. Je n’y comprenais simplement rien (et justement, c’est une des raisons pour lesquelles je me suis lancé dans cette recherche, pour essayer de le comprendre). Le film de Fassbinder en particulier m’a marqué par sa force mais aussi pour sa paranoïa dans les séquences autofictionnelles ou pour l’hystérie de son engueulade avec sa mère à propos de la démocratie qui m’étaient incompréhensibles ! Je ne connaissais rien de cette histoire. Tous les détails factuels évoqués dans ce film m’étaient inconnus. C’est une formule que je répète souvent mais qui est vrai, on peut voir l’ensemble d’Une jeunesse allemande, comme une introduction à l’extrait de Fassbinder. Après avoir vu mon film, l’extrait de Fassbinder est compréhensible jusqu’en dans ses moindres détails par les spectateurs qui le découvre. Lui n’a pas à courir acheter un livre sur l’histoire de l’Allemagne de l’Ouest d’alors pour comprendre le film.

Après, il y a évidemment des différents niveaux de lectures selon les savoirs des spectateurs, mais le film est avant tout construit pour ceux qui ne savent rien. Je n’ai absolument pas peur de l’aspect métaphorique du film, il est même revendiqué. Ainsi, quand les politiciens se succèdent à la fin du film, il est clair pour tous les spectateurs que ce sont des politiciens, au sens générique. Il ne servirait à rien que je précise leurs noms, ça ne ferait que surcharger le film sans amener de sens. Après, ceux qui ont les connaissances suffisantes pour savoir qui sont ces politiciens peuvent en tirer quelques éléments supplémentaires ou peuvent peut-être comprendre plus finement cette séquence mais cela n’influe que peu sur le sens global du film.

 

J'ai ma petite idée là-dessus mais quelles résonances avec aujourd'hui voyez-vous ou votre film révèle-t-il ? 

Je me questionne évidemment beaucoup sur le monde qui m’entoure. Et lorsque je m’arrête sur un événement passé, c’est souvent parce que celui-ci fait écho au présent dans lequel je vis, mais à ceci-prêt que ces échos ne sont pas clairs. D’une certaine manière, je pressens que quelque chose se tapit dans des évènements passés qui pourrait m’éclairer mais que je dois chercher, qui ne se donne pas facilement. Quand il y a évidence, quand je comprends, je n’ai pas besoin de faire un film.

Après, le savoir que je retire du passé grâce au travail d’un film est lui aussi rarement clair, en tout cas il ne résout rien aux questions que je peux me poser. Cependant, il permet de préciser ces questions, ce qui est déjà beaucoup. L’important est de montrer qu’il y a des échos entre cette histoire et le monde présent dans lequel j’habite, même si ceux-ci ne sont pas nettement exprimables. Etant assez peu précis moi-même quand à ce que je cherche, il ne m’intéresse pas de forcer le spectateur à faire les mêmes liens que moi entre le passé que je donne à voir et le présent dans lequel nous vivons. Mon rôle s’arrête à créer des courts circuits. Et je laisse le spectateur faire par lui-même l’expérience du film et en retirer ce qu’il en veut selon qui il est, ce qu’il pense etc.

Ma réponse donc à votre question ne peut être que subjective. Pour moi, il y a de multiples questions soulevées par le film qui raisonnent encore aujourd’hui. Comment résister contre un monde qui nous et se détruit ? Pourquoi faut-il toujours en passer par la violence pour changer le monde ? Pourquoi les gouvernants répondent toujours par la violence pour contrer les revendications des peuples ou d’une partie d’entre eux ? Qu’est-ce que le « terrorisme » ? Pourquoi les gouvernants arrivent à les utiliser de manière aussi opportuniste ? Que peux faire le cinéma ? Etc.

 

Entretien mené par Martine Floch
Novembre 2015